Histoire de la Basse Normandie
De la Restauration au Second Empire
Les monarchies censitaires apparaissent comme une période de stabilisation et de relèvement. Sur le plan démographique, le département connaît un apogée en 1826 (600 000 habitants), sa population ne cessant de décroître par la suite. Le nord du Cotentin fournit à Cherbourg de forts contingents de population, attirés par les travaux du port et la construction navale : la population fixe passe de 16 147 habitants en 1816 à 22 980 habitants en 1845.
La prédominance de l’agriculture est à souligner ; certains grands propriétaires, tels le marquis de Sesmaisons à Flamanville ou le comte de Kergolay à Canisy, ont recours aux innovations (utilisation de la charrue, bonification des terres). A Martinvast, le général comte du Moncel, polytechnicien, réunit un domaine de 1000 hectares (terres, bois, usine) et construit à partir de 1820 une ferme-modèle parmi les plus modernes de France. A Granville, la grande pêche y connaît un nouvel essor (58 navires en 1820, 77 en 1840) ; la pêche aux huîtres est florissante : en 1832-1833, on pêche 59 millions d’huîtres (90 bateaux et 700 hommes). De plus, environ 700 autres personnes, dont femmes et enfants sont employés au triage et au parcage des huîtres.
Quant au port de Cherbourg, dont l’équipement est également rénové, il importe pour 11 millions de francs de marchandises de 1816 à 1828 et exporte pour 29 millions. On doit à Alfred Mosselman (1810-1867) un renouveau de la navigation fluviale : canal de Vire et Taute (1839), canal de la Soulle, de Coutances à la mer (1840) ; il réactive le port de Carentan, relié à Saint-Lô par bateaux postes. Des filatures de coton sont créées au Vast par Fontenilliat (600 ouvriers au milieu du siècle) et à Gonneville par Séhier (200 ouvriers).
La noblesse d’Empire apparaît immensément riche ; Lebrun se trouve ainsi à la tête d’un patrimoine considérable ainsi que le général Le Marois qui épousa l’une des héritières les plus fortunées de Belgique. Parmi les figures marquantes, citons Léonor-Joseph Havin (1799-1868) directeur du Siècle, député et président du Conseil général, mais, sans conteste, le personnage le plus illustre demeure Alexis de Tocqueville (1805-1859), député de l’arrondissement de Valognes ; l’auteur de De la Démocratie en Amérique aimait résider dans sa demeure ancestrale du Val de Saire.
Sous le second Empire, des difficultés nouvelles apparaissent dans le domaine économique. Malgré cela, cette période déterminante connaît la révolution des transports ; les lignes de chemin de fer Paris-Cherbourg (1858) et Paris-Granville (1870) sont ouvertes, favorisant l’écoulement des produits. Une nette amélioration des conditions de vie du monde agricole, un enrichissement général s’ensuivent.
En 1858, Napoléon III et l’impératrice Eugénie viennent célébrer l’achèvement des travaux de la digue et du port militaire, recevant la reine Victoria avec faste.
Sur le plan politique, la noblesse légitimiste se rallie plus ou moins au régime ; c’est le cas de nombreux conseillers généraux, ainsi qu’une bonne part de la bourgeoisie orléaniste sur le long terme. On rencontre cependant des exceptions, et non des moindres ( Alexis de Tocqueville). L’influence légitimiste demeure forte à Avranches, tandis qu’à Cherbourg les idées nouvelles gagnent la population ouvrière, favorable à la révolution de 1848.
Cependant, à la fois régime d’ordre et de prospérité, le Second Empire plaît aux habitants de la Manche et sera souvent regretté jusque durant l’Entre-deux-guerres.