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Deux ans après, le palais de Monaco était livré à un pillage légal au milieu duquel furent dispersées les immenses richesses qu'une longue suite de princes y avaient accumulées pendant plusieurs siècles ; on aurait difficilement une idée de l'opulence de cette splendide demeure, si l'on ne réfléchissait que les Grimaldi en avaient fait le trésor où, sous la garde d'une imprenable forteresse, était réuni ce que leur puissante maison avait lentement acquis par la guerre et les expéditions maritimes ; leurs pensions et dignités en France et en Espagne, ainsi que les revenus de leurs nombreux domaines, tout avait contribué à embellir le palais de Monaco des plus rares merveilles de l'industrie et des arts. Mais par suite de la Révolution, il fut considéré comme
bien national, et au mois de pluviôse de l'an V de la République, le « Receveur de l'enregistrement et du domaine national » faisait afficher dans tout le département la vente aux enchères des meubles et effets, etc., ayant appartenu au prince de Monaco.
l Puis, quand tout fut enlevé, jusqu'aux tentures, jusqu'aux moulures précieuses des lambris, quand de ce vaste château il ne resta plus que les murs nus et les salles dévastées, on y plaça à la hâte de la paille et quelques couvertures, misérable mobilier que la pénurie du trésor républicain n'avait pu fournir que par voie de réquisition, et un jour on y vit arriver, portés sur des mulets, ou se traînant péniblement le long des sentiers de la montagne, une foule d'hommes hâves, déguenillés, couverts de sang, mais conservant encore sous leurs haillons le dernier éclat d'un enthousiasme belliqueux; c'étaient les blessés de l'armée d'Italie, les vainqueurs de Montenotte, de Millesimo, les soldats du général Bonaparte ; le palais était devenu un hôpital. Pendant plusieurs années il conserva cette destination ; combien de ces infortunés ont dû au climat salubre, au printemps éternel de cet éden une guérison que ne pouvaient leur donner les soins hâtifs de quelques chirurgiens !
1. « On observe qu'indépendamment des meubles portés sur cette affiche, on exposera aussi en vente une infinité d'autres objets provenant du démeublement du palais du ci-devant prince, qu'on n'a pas cru devoir écrire pour éviter les frais et le retard qu'aurait pu occasionner leur description détaillée. » (Extrait de l'affiche. Archives du palais de Monaco.)
Ensuite, de 1806 à 1814, le palais fut affecté au dépôt de Mendicité du département des Alpes-Maritimes. Trop vaste pour être tout entier occupé, il y eut plusieurs parties laissées à l'abandon ; aussi, quand en 1814 le palais fut rendu à ses anciens maîtres, était-il dans un état de délabrement difficile à imaginer.
Honoré III avait eu deux fils de son mariage avec Marie-Catherine de Brignole ; l'aîné, le duc de Valentinois, qui régna plus tard sous le nom d'Honoré IV, né à Monaco en 1758, avait épousé en 1777 Louise-Félicité-Victoire, fille unique du duc d'Aumont, pair de France, premier gentilhomme de la chambre, et de Jeanne Durfort de Duras; cette dernière possédait du chef de sa mère la duché-pairie de Mazarin, qui à défaut de mâle passait aux femmes, lesquelles devaient alors en prendre le nom et les armes. C'est ce qui explique pourquoi Jeanne de Duras, et après elle Louise d'Aumont, sa fille, s'intitulaient duchesses de Mazarin, lorsqu'il s'agissait de l'administration de leurs affaires personnelles; Jeanne de Duras portait même ce nom habituellement.