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Fort Hercule - Monaco lors de la Révolution

Le second fils d'Honoré III, le prince Joseph, épousa en 1782 Françoise-Thérèse de Choiseul-Stainville, modèle de grâce et de vertus. Cette charmante princesse devait être plus tard la victime réservée pour payer à la révolution sa part du tribut de sang qui fut demandé à presque toutes les grandes familles de France. Le prince Joseph, son mari, l'avait emmenée en émigration dès les premiers dangers, laissant en France leurs enfants confiés à des personnes sûres. Mais trop tendre mère pour consentir à vivre longtemps loin de ses deux filles, la princesse revint bientôt en France, où elle fut immédiatement arrêtée comme suspecte. Elle réussit une première fois à s'évader ; promptement ressaisie, elle comparut devant le tribunal révolutionnaire le 7 thermidor an II, en même temps que Roucher, André Chénier, les frères Trudaine, le conseiller Goëzman, l'ennemi de Beaumarchais, Mme de Vigny, de la famille de l'auteur de Stello et de Cinq-Mars, M. de Saint-Simon, ex-évêque d'Agde, la princesse de Chimay, le baron de Trenck qui n'avait échappé aux cachots de Frédéric de Prusse, le roi philosophe, que pour venir quelques années plus tard périr sur un échafaud républicain ; à la suite de ces noms illustres venait celui d'un modeste et dévoué serviteur de la princesse, Viotte, son intendant.

Elle fut, comme tous ses coaccusés, « convaincue de s'être déclarée ennemie des peuples, en entretenant par l'émigration des intelligences avec les ennemis de la République, en leur fournissant des secours, et en préparant, de complicité avec les tyrans et par toutes sortes de manœuvres criminelles, l'anéantissement de la représentation nationale et le rétablissement de la tyrannie. »

Tous les accusés furent condamnés à mort. Un ami conseilla à la princesse de se déclarer enceinte, ce qui devait faire ajourner l'exécution du jugement; et, gagner du temps, c'était presque sauver ses jours. 1 La princesse Joseph, dans la préoccupation de l'avenir de ses filles, adopta cet expédient ; sur sa déclaration, elle fut reconduite en prison. Mais la première émotion étant calmée, elle réfléchit que ce subterfuge la déshonorerait à cause de l'éloignement du prince Joseph ; et aussitôt elle écrit la lettre suivante :

« Je serais obligée au citoyen Fouquet de Tinville s'il voulait bien venir un instant ici, pour m'accorder un moment d'audience ; je le prie instamment de ne pas me refuser ma demande. »

Signé Grimaldi De Monaco.

1. La duchesse de Saint-Aignan, une des plus intéressantes prisonnières de Saint-Lazare, avait été condamnée la veille avec son mari; son état de grossesse lui obtint un sursis, et quatre jours après, Robespierre et ses amis montaient sur l'échafaud par suite de la réaction thermidorienne. La duchesse de Saint-Aignan était sauvée comme eût pu l'être la princesse Joseph de Monaco.


Puis avec un fragment de vitre, elle coupa elle-même ses longs cheveux blonds qu'elle destinait à ses enfants, et attendit. Le terrible accusateur public ne vint pas. La princesse lui écrit alors une seconde lettre :

« Je vous préviens, citoyen, que je ne suis pas grosse, je voulais vous le dire. N'espérant pas que vous viendrez, je vous le mande. Je n'ai point sali ma bouche de ce mensonge dans la crainte de la mort ni pour l'éviter, mais pour me donner un jour de plus, afin de couper moi-même mes cheveux, et de ne pas les donner coupés de la main du bourreau. C'est le seul legs que je puisse laisser à mes enfants ; au moins faut-il qu'il soit pur. »

Signé : Choiseul-stainville , Joseph Grimaldi-Monaco , princesse étrangère et mourant de l'injustice des juges français. » 1

Le même jour arriva l'ordre de procéder à l'exécution.

1. Extrait du Journal de l'Opposition publié en l'an III, par P.-F. Réal, et qui n'eut que 7 livraisons, n° 2, p. 1re.