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Fort Hercule - Monaco lors de la Révolution


Il n'est pas sans intérêt de rappeler les considérants de ce rapport ; l'histoire contemporaine a rajeuni et adopté les théories de Carnot en fait d'annexion, et nos lecteurs ne seront peut-être pas fâchés de voir comment on justifiait en 1793 certains actes politiques que nous voyons se reproduire de nos jours.

« ...Pour établir une théorie sur les réunions des territoires, votre comité diplomatique a dû remonter aux principes.

« Dans toute matière politique, deux points sont à considérer, et c'est à eux que tout se réduit, l'intérêt et la justice ; ils composent tout le droit des gens, et sont le fondement de la morale privée comme de celle des nations....

« Je puis donc conclure sur ce qui vient d'être dit, par ces deux maximes générales qui établissent clairement en politique la différence du juste et de l'injuste : 1° Toute mesure politique est légitime dès quelle est commandée par le salut de l'Etat ; 2° tout acte qui blesse les intérêts dautrui sans nécessité indispensable pour soi-même est injuste.

« J'applique maintenant ces maximes aux réunions, séparations et mutations quelconques de territoire, et je tire de leur rapprochement ce principe qui renferme toute la théorie de ces mutations :

« Aucune réunion, augmentation, diminution ou mutation quelconque de territoire ne peut avoir lieu dans l'étendue de la République sans qu'il soit reconnu : 1° que cette mutation n'a rien de contraire aux intérêts de l'Etat ; 2° que les communes que regarde cette mutation l'ont demandée par l'émission d'un vœu libre et formel, ou que la sureté général la rend indispensable.

...

« D'après ces développements, je passe à l'application des principes :

« Les limites anciennes et naturelles de la France sont le Rhin, les Alpes et les Pyrénées. Les parties qui en ont été démembrées ne l'ont été que par usurpation ; il n'y aurait donc, suivant les règles ordinaires, nulle injustice à les reprendre, il n'y aurait nulle ambition à reconnaître pour frères ceux qui le furent jadis, à rétablir des liens qui ne furent brisés que par l'ambition elle-même. .....

« Mais ces prétentions diplomatiques, fondées sur des possessions anciennes, sont nulles à nos yeux comme à celles de la raison. Le droit invariable de chaque nation est de vivre isolée s'il lui plaît, ou de s'unir à d'autres si elles le veulent, pour l'intérêt commun. Nous, Français, ne connaissons de souverains que les peuples eux-mêmes; notre système n'est point la domination ; c'est la fraternité ; il n'y a pour nous ni princes, ni rois, ni maîtres quelconques, nous ne voyons sur toute la surface du monde que des hommes comme nous, des êtres égaux en droits.

« ...Les procès-verbaux des Assemblées de Monaco constatent que le vœu des citoyens a été unanime, et expriment le désir de voir bientôt leur demande se réaliser. Cette réunion peut donc s'opérer sans injustice ; et en adoptant même les principes de l'ancienne diplomatie, il serait assez facile d'établir que la principauté de Monaco n'était qu'une usurpation, un vol fait à la France. 1

« Mais il n'est pas dans vos principes actuels d'entrer dans ces discussions, et nous comptons pour rien les réclamations des princes contre la souveraineté des peuples ; d'autres motifs doivent vous déterminer.

« Si vous abandonnez ce peuple après la démarche qu'il vient de faire, il ne pourra se soutenir de lui-même, et retombera dans les fers de quelque tyran, ou se trouvera peut- être forcé de se rejeter dans les bras de ses anciens maîtres.

1. Voici un point d'histoire et de géographie fort difficile, sinon impossible à établir. Monaco n'était ni en Provence, ni en Italie; c'était un territoire indécis ; et quand la France acquit la Provence, héritage de la maison d'Anjou, il y avait plusieurs siècles que Monaco était une seigneurie indépendante et reconnue comme telle par les comtes de Provence eux-mêmes.