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Les "Miroirs des princes" - L'éducation des princes du XVe au XIXe

L'éducation des princes du XVe au XIXe siècle

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Catégorie : Les "Miroirs des princes", l'éducation des princes
Auteur : Jean Meyer
Editeur : Editions Perrin

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Avis personnel :

Un livre qui m'a fait redécouvrir l'histoire, certains faits historiques, sous un autre angle et comprendre certains faits et gestes d'hommes d'Etats contemporains. L'histoire n'est qu'un perpétuel recommencement.

Voici les grands thèmes que j'ai retenu à la lecture de ce livre :

  • DE L'HEREDITE ET DE SES CONSEQUENCES EDUCATIVES
  • LA PRESSION PSYCHOLOGIQUE
  • LA SURESTIMATION DU MOI
  • SAVOIR ANTICIPER POUR REGNER
  • LES GLOIRES
  • LE PAUVRE ET LA JUSTICE
  • LES MIROIRS DES PRINCES
  • IMPORTANCE DE L'IMAGE ou L'IMAGE COMME PROPAGANDE
  • EDUCATION PRINCIERE SELON ERASME
  • LE ROI PHILOSOPHE

DE L'HEREDITE ET DE SES CONSEQUENCES EDUCATIVES

La monarchie héréditaire repose sur l'association du fils au pouvoir du père contrairement à la monarchie élective.
"L'inefficacité du roi engendre le désordre de l'Etat, la guerre civile, voire la Révolution. (...) Ils peuvent remettre en question tous les acquis des règnes précédents."

LA PRESSION PSYCHOLOGIQUE

"Le simple fait d'être, dès sa naissance, prédestiné au trône - avec les pouvoirs considérables qui le caractérisent - à toujours créé une situation psychologique terrible. (...) Ces enfants ne s'appartiennent pas mais, comme icônes vivantes de l'Etat, ils ne peuvent être des enfants ordinaires, même pas face à leurs maîtres. Ils sont tous porteurs d'immenses espoirs (...) Ils ne cesseront de grandir jusqu'au jour de leur "prise de pouvoir" (...) Il existe au fond deux "naissances" : la naturelle et la politique. Et on opposera, jusqu'à la Révolution française, le roi mal informé (donc mal formé) au roi bien informé.

La naissance elle même est un événement "national" (...) Elle est annoncée par des salves d'artillerie. Le royal bébé n'en sait naturellement rien, mais on lui rappellera à satiété.

(...)

Dès qu'il est en aptitude de comprendre, le premier-né est obligé de savoir et d'intérioriser qu'il est roi, en attendant de l'être pour de bon. (...) Tout l'entourage y veille et même en dépit de lui. (...) L'enfant-roi, né pour être roi, se doit d'être protégé (et de se protéger), pendant toute son éducation, de toute concurrence politique (...) Son entourage doit être soigneusement choisi, préalablement "dressé" à se conduire de manière adéquate."

LA SURESTIMATION DU MOI

Quelque soit son éducation, rude ou douce, le futur roi peut prendre, un jour, toute sa revanche. La conséquence de cette position sociale privilégiée est une surestimation de soi et/ou un sentiment d'infériorité face au fardeau qui l'attend. Il est psychologiquement isolé alors même qu'il est très (trop) entouré, mais surprotégé, élevé dans une tour d'ivoire. Ainsi il lui est impossible de se confronter réellement aux autres et de prendre conscience de ses propres capacités.

"Pour peu que l'enfant , devenu adulte, prenne son devoir au sérieux, il sera plus seul encore, avec tout ce que cela requiert de méfiance, de dissimulation, de même que de maîtrise de soi. On a trop tendance à attribuer vices ou vertus au seul roi Louis XIV : on retrouve, peu ou prou, les mêmes tendances chez tous les souverains.
Le XIXe siècle tentera d'y obvier, ou tout au moins d'atténuer les inconvénients de cette situation, en envoyant l'adolescent dans les classes supérieures d'un lycée ou d'un collège. Mais c'est trop tard."

"La vie réputée "absolue" d'un monarque européen a dû, en réalité, être difficile à supporter, et ce dès l'enfance." Tous ses faits et gestes son disséqués, loués, calomniés, tandis que par derrière, ses faits et gestes sont interprétés de façon malveillante.

Après la prise de pouvoir, porteuse d'espoir, s'ensuit un état de grâce. Mais on redoute, que l'avenir ne détruise le passé. "Ils savaient tous qu'ils ne pourraient jamais satisfaire à tous les espoirs placés en eux. Il a dû exister dans le for intérieur de biens des enfants-rois une incroyable incertitude, souvent un manque de conscience et de confiance en soi." Certains rois se réfugiait dans un travail forcené, d'autres se sont laissés gouverner par leurs ministres, amis ou maîtresses, tandis que d'autres se défoulaient dans les plaisirs. Louis XIV à Philippe V : "Ne quittez jamais vos affaires pour votre plaisir ; mais faites-vous une sorte de règle qui vous donne des temps de liberté et de divertissements."

SAVOIR ANTICIPER POUR REGNER

Le but final de toutes ces éducations est de donner au futur souverain la capacité de faire face aux évolutions politiques.
Il lui faut donc :

  • connaître sur les moyens disponibles et par conséquent s'informer
  • prévoir et anticiper tout changement possible
  • se donner les moyens intellectuels et matériels afin d'y faire face.

(Ndlr : Internet permet d'y contribuer en partie, à condition de bien s'avoir l'utiliser et d'en connaître les points négatifs et positifs)

LES GLOIRES

La gloire est liée à la conception même de l'Etat.

"La gloire du roi est le bien de l'Etat" - Colbert

La gloire se retrouve sous plusieurs formes :

  • La gloire guerrière, inaccessible aux petits Etat qui ne possèdent pas les moyens financier et humain
  • La gloire personnelle, certains princes se mettaient au service d'un plus puissants afin de se retrouver auréoler de la gloire de ce dernier et se mettre en avant.
  • La gloire littéraire, artistique et scientifique : ce que recherchait les reine-régente.

Les grandes puissances peuvent cumuler le tout.

Bossuet décompose la gloire en quatre points et condamne les trois premières :

  • la gloire guerrière
  • la gloire de "Cour"
  • la gloire du luxe et des plaisirs
  • la gloire du gouvernement

La gloire de Cour et celle du luxe et des plaisirs peuvent à mon sens s'apparenter à la gloire personnelle. Ou seul l'intérêt personnelle prime au détriment de celui de l'Etat. Un prince qui recherche cette forme de gloire, est un prince nombriliste et égocentrique, qui aime la recherche de son plaisir personnelle et les flatteries, en oubliant son rôle qui est la gestion de ses domaines et le bien être de ses sujets. Pour moi il N'EST PAS un bon prince. C'est un homme faible et vénal qui règne sur les acquis de ses prédécesseurs et qui n'est pas fait pour régner. Bien souvent, ces princes préfèrent laisser leurs ministres gouverner à leur place au risque de se retrouver dans une situation délicate et la proie de courtisans qui ne voient que leurs intérêts personnels. D'où des discours princiers allant dans le sens inverse des actions menées sur le terrain. Un tel prince agit au détriment de l'Etat et de ses sujets, pensant sans doute que sa propre gloire auréolera l'Etat alors qu'en fait, une telle forme de gloire ne peut que le discréditer et discréditer son Etat par la même occasion. Nombreux sont ces princes que l'histoire a retenu comme étant le point de départ de troubles et de révoltes avec les difficultés, que l'on suppose, dont leurs successeurs ont eu à faire face. A titre d'exemple voir le règne de Ferdinand I, roi du Portugal.

Pour ma part, je privilégie la gloire littéraire, artistique et scientifique et la gloire du gouvernement qui sont à mon sens les seules acceptables.

LE PAUVRE ET LA JUSTICE

Au yeux du roi, le pauvre à toute ses préférences.
La justice est un des premiers devoirs du roi.

LES MIROIRS DES PRINCES

Ces ouvrages, destinés à faire l'éducation des princes, sont réapparus au Moyen Age. Ils culminent au XVIIe siècle. Ils déclinent lentement et finissent par former un véritable genre littéraire et politique, souvent méconnu. Certains auteurs avaient une véritable expérience politique.

IMPORTANCE DE L'IMAGE ou L'IMAGE COMME PROPAGANDE

Les estampes des portraits des jeunes princes sont produites en masse grâce aux gravures. Elles deviennent une véritable propagande et la promesse d'un éventuel changement politique. Ces jeunes princes sont alors au premier plan de l'actualité ce qui peut induire un sentiment de supériorité.

La première phase de l'éducation de ces princes passe par l'image et se termine par le mariage.

Au XVIe siècle, les éducateurs humanistes et religieux émettent des reproches aux princes, futurs dirigeants des petits Etats qui constituent le Saint Empire Romain Germanique (voir article sur mon site Généalogique). Ces futurs dirigeants délaissent leurs études, refusent l'effort et se conduisent de manière "scandaleuse".

EDUCATION PRINCIERE SELON ERASME

Erasme était un humaniste et une figure de la Renaissance (voir article sur Wikipédia en complément) Il est contemporain de Charles Quint et fut son conseiller.
Selon lui, le roi doit être "doux, aimable, de tempérament modéré, et peu sujet à l'emportement et à la colère". Il faut éviter à tout prix que la monarchie ne se dévoie en tyrannie. Un roi doit savoir écouter et accepter des conseils. Il ne faut pas non plus qu'il soit un être falot, sans caractère, ni influençable.

La monarchie héréditaire pose un problème : l'hérédité ne garantie pas la compétence ou l'habileté nécessaire. D'ou l'importance capitale de l'éducation pour y pallier. Erasme préfère la Monarchie Elective (celle du Saint Empire Romain Germanique où un prince était choisi par 7 princes électeurs afin de conduire les peuples et les Etats qui constituaient le Saint Empire)

"La patrie a besoin d'un bon prince. Le bonheur nait des efforts d'un bon gouvernement".

"Le souverain doit laisser un pays prospère et florissant mais aussi un fils de valeur, apte à sa succession".

Les bons éducateurs : "Il faut critiquer sans insulter, louer sans flatter". Le tout n'est pas d'engendrer un fils, il faut l'éduquer en conséquence.

Les camarades du princes doivent être les meilleurs possibles : il convient d'écarter du jeune prince, les femmes idiotes, les filles faciles, les comédiens, les ivrognes, les farceurs ou pire les flatteurs. Sinon ces princes n'apprendront que les jeux, les plaisirs, l'amour, l'argent, l'orgueil, l'arrogance et les jouissances.

"La rigueur qui doit accompagner tous les choix, ne doit pas faire oublier la nécessiter d'apprendre en amusant". Reproches si besoin ne doivent pas humilier l'enfant. Pas d'humiliation en public.

Le futur prince ne doit pas être l'admirateur des vanités nobiliaires. Il ne faut pas redouter la mort. L'âge ne se mesure pas en nombre d'années, mais en celui des bonnes actions. Un prince ne meurt pas s'il a accumulé des bonnes actions.

LE ROI PHILOSOPHE

Certains pourraient lui reprocher de vouloir éduquer un philosophe et non un roi. Erasme répondit "Qui n'a pas été philosophe ne peut être un souverain ; il est un tyran (...) haï de tous, car également, dangereux à tous."

Le portrait qu'Erasme dresse des princes de son époque n'est pas flatteur : ils jouent, dansent, s'enivrent, pillent les peuples et font "d'autres choses que je ne saurai nommé". Ils méprisent les peuples qu'ils gouvernent et se détachent le plus possible de cette masse à leurs yeux vulgaire, ignorante, indigne et méprisable. Mais qu'est-ce qu'un philosophe ? Il se contente des vrais valeurs, méprise le paraître et les vêtements somptueux. Etre chrétien et philosophe sont pour Erasme la même chose. Pour lui, "pierres précieuses, pourpres, argent, gardes du corps, tous les aspects de luxe extérieurs ne sont rien, tout comme les galeries des tableaux des ancêtres. Ces biens ont d'ailleurs été acquis en exploitant (ou pillant) les peuples"

Erasme divise la haute noblesse en trois groupes :

  • celui qui doit sa noblesse à sa vertu et "à ses actes droits"
  • celui qui la doit à la connaissance des sciences "les plus élevées"
  • celui qui la doit à "l'image des ancêtres, des tableaux généalogiques" et à sa richesse

La vrai noblesse, pour Erasme, appartient au premier type. Le seul souverain, est souverain chrétien : "Au baptême, tu as renoncé à Satan, à ses pompes et à ses oeuvres. (...) Le plus grand service à rendre au peuple chrétien est de le gouverner en chrétien"

Pour Erasme, en fait un bon souverain est un père, très bon, plein de mansuétude, doux, libéral, méprisant l'argent, incorruptible par les sentiments, qui se tient lui même en main, maître de ses désirs, d'esprit aigu, plein de compréhension, bon conseiller, juste, réaliste, bon chrétien, attentif aux besoins de son peuple, solide, inébranlable, infaillible, qui termine ce qui a été commencé, possède l'autorité, travailleur, préoccupé de justice, lent à la vengeance, charitable, sauveur, attentif à ce que l'on dit de lui, égal d'humeur et de moeurs, facile à atteindre, aimable, plein de sollicitude, capable de mener une guerre mais s'activant à la paix, créateur de lois bienfaisantes. (Ndlr : Bref, c'est Batman ! :mrgreen: )

Il doit travailler pour que ses sujets puissent dormir. (...) Qui accepte une fonction publique ne doit penser qu'au bien public. Le roi doit devenir un sage.

Les serviteurs de l'Etat et les conseillers du Roi : ils ne doivent pas être choisi selon leur généalogie mais d'après leurs bonnes moeurs, leur sagesse et expérience.

Le mariage : "c'est une affaire personnelle mais aussi un des noeuds centraux de la politique. L'épouse à préférer doit être issue du pays même, et non une étrangère. Elle doit être la plus vertueuse possible. Erasme n'est pas convaincu de la nécessité d'un mariage politique. Ce genre de mariages a engendrés les pires catastrophes politiques : revendications territoriales à la suite de dots promises. Les grands conflits ne peuvent être résolus par un mariage. De plus la manière inhumaine dont on traite ces princesses (Ndlr : étrangères) Elles sont envoyées dans des pays éloignés, en quelque sorte exilées chez des peuples qui leur sont inconnus par la langue, par l'aspect, le caractère, les qualités. Elles vivraient tellement plus heureuses chez elles, quoique, certes, avec moins de pompe"