Réflexions sur les traitements fongicides dans nos campagnes
Posté le Samedi 15 juin 2013 par Sophie Déméautis
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Nous vivons depuis 2 ans en campagne dans une petite commune d’Ille et Vilaine. Notre maison est entourée par trois champs, cultivés par le même agriculteur céréalier : 2 ans de maïs puis blé cette année. Je suis en congés parental et élève notre petit garçon de 2 ans et trois mois. Je précise également que je suis petite-fille d’agriculteur et que certains de mes oncles et tantes sont également du métier. J’ai vécu également une partie de mon adolescence en campagne dans un département voisin… donc la campagne et ce qui va avec, normalement je connais Mais là, je dois dire que je suis surprise, c’est assez gratiné et je redécouvre.
Le jeudi soir nous avions entendu l’agriculteur traiter un des champs et fermer les fenêtres par précaution. Le temps n’était pas terrible : nuageux et pluie fine.
J’ai vu arriver l’agriculteur dès le vendredi matin vers 8h, il faisait beau, pas de vents. C’était une des plus belle journée de la semaine… dommage pour nous car je savais déjà que nous ne pourrions pas profiter de l’extérieur. Il est parti vers 10h du matin après avoir traité avec un pulvérisateur les deux grands champs qui jouxtent la maison.
Je suis sortie pour voir dehors et là je me suis rendu compte que quelque chose me gênait. Une odeur un peu spéciale, une odeur de « propre » puis j’ai ressenti une gêne qui s’est accentuée au niveau du visage, notamment autour du nez et surtout de la bouche. Cette impression s’est accentuée au fur et à mesure que j’allais dehors pour jeter des poubelles et voir le courrier, etc.
Au final : sensation de brûlures sur le visage essentiellement autour du nez, de la bouche, sur les lèvres et un goût désagréable dans la bouche. Un goût métallique. Je me suis rincer le visage trois fois dans la journée. L’odeur et cette sensation était nettement plus perceptible près des murs de notre maison… J’ai attendu que cela se tasse. Mon petit garçon n’est pas sorti par précaution. Heureusement le vendredi après midi, j’ai fort à faire en dehors de notre maison et je me suis dit qu’une fois 5 ou 6 heures écoulées cela ne sentirait plus. Le soir mon conjoint est rentré et a confirmé l’odeur et la sensation désagréable dans la bouche. Je n’avais donc rien imaginé. En fait nous avons senti l’odeur jusqu’à tard dans la soirée et le lendemain elle était encore perceptible.
J’ai également constaté cette sensation de brulures dans ma voiture en prenant les routes habituelles en campagne. Autour de la route il y a également des champs de blé comme autour de notre maison. Visiblement les champs autour de notre maison n’étaient pas les seuls champs traités dans la région.
Sur internet, peu de textes de lois, ni de réglementations, ni d’arrêtés ou alors j’ai mal vu, et peu d’infos de la part de notre municipalité. Mais quel est donc ce produit que l’agriculteur a pulvérisé ?
Bref, cela me fait peur et je m’interroge. Avons-nous fait le bon choix de venir vivre ici ? Moi qui était si contente de rentrer « à la maison », étant née et ayant vécu des années à proximité… Ne mettons-nous pas la santé de nos enfants et la notre en danger ? La campagne ne serait-elle pas plus polluée qu’en ville ?
En ville nous sommes plus éloigné des champs et plus nombreux, effet de masse, nous sommes plus nombreux à râler et donc « plus » écoutés LOL
J’ai contacté la mairie pour avoir des renseignements et on nous a orienté vers la police municipale qui s’est déplacée peu après mais au final peu d’infos de leur part. Entretemps nous avons discuté avec notre voisin, agriculteur lui aussi mais ce n’est pas celui qui cultive les champs près de notre maison (malheureusement).
Notre voisin nous a expliqué que l’agriculteur en question, avait probablement pulvérisé un fongicide de contact. C’est la période. Il utilise un bon pulvérisateur donc il y a peu de problème lié à la pulvérisation des produits (brumes et dispersion etc). Le fongicide en question n’est pas toxique pour l’homme même s’il sent fort sauf si on rentre dans le champ et que l’on touche le blé (il fut lui même incommodé une fois par l’odeur car il travaille à proximité immédiate du champ). Son efficacité sur le champ est de 5 à 6 jours. La discussion avec notre voisin était plutôt intéressante, lui même adepte de la méthode douce et l’ayant testé (arrachage des mauvaises herbes mécanique) nous a dit que malheureusement ce genre de procédé n’étant pas payant : temps de travail plus important, perte de bonnes céréales en arrachant les mauvaises et en piétinant régulièrement les cultures avec le tracteur, dépenses de carburant plus importantes pour les engins agricoles ce qui représente un coût mais également un problème sur l’environnement : empreinte carbone plus conséquente. Tout cela pour un résultat plutôt décevant. Il a du renoncer à cette pratique. De même, les produits utilisés dépendent de directives elles changent parfois en dépit du bon sens. Pour les taupins, ils sont revenus à un produit qui avait été interdit précédemment car beaucoup plus toxique pour l’homme (risque majeur sur la santé, lui même en ayant eu fait les frais) Il faut trouver l’équilibre et ce n’est pas si évident. Une loi qu’il estime être une belle hérésie consiste à laisser 1 m de terre non traité entre le champs et le fossé. Sur ces 1 m, pousse de la « folle avoine » qui reçoit néanmoins une part de pulvérisation. Cette herbe devient résistante et ne pouvant être fauchée car l’accès n’est pas possible sans risquer d’endommager les récoltes du champs, elles montent en graines et prolifèrent partout. Idem il nous a parlé d’une autre absurdité, la toxicité des pipettes anti-puces pour chats. Ces produits ne sont plus utilisés depuis 10 ans dans les élevages car trop toxiques par contre ils sont encore vendus aux particuliers sans aucune recommandation de précaution pour l’utilisateur ni pour les enfants pouvant rentrer en contact avec le produit en caressant le chat traité. Les produits contenus dans ces pipettes pourraient suffire à traiter un champ entier ! (Reste néanmoins à savoir s’il s’agit de la même molécule et des mêmes dosages)
Mon voisin est honnête mais ne pourrait-il pas être trompé par des laboratoires peu scrupuleux ? Quelles sont les lois qui protègent les riverains et les agriculteurs qui travaillent avec des produits particulièrement toxiques ? C’est facile de nous laisser nous prendre la tête entre riverains et agriculteurs mais finalement, au bout du compte ne sommes nous pas les victimes de lobbyistes peu scrupuleux ? Auprès de qui devons nous renseigner ?
Peu après notre discussion avec notre voisin, la police municipale est passée suite à notre appel. Nous avons résumé les faits à l’agent mais pour nous tout allait bien et nous étions en parti rassuré. L’agent municipal ne semblait pas avoir d’informations complémentaires.
Seulement voilà, aujourd’hui samedi soir, j’ai toujours cette sensation de brûlure sur le visage et ce goût désagréable dans la bouche… Non toxique pour l’homme ? Franchement je demande à voir. J’ai comme un doute. Moi et mon petit garçon nous avons prit une bonne douche le soir même par précaution. Suis-je la seule à avoir ces symptômes ? L’année dernière nous n’avons pas eu cette gêne mais ce n’était pas du blé mais du maïs. Est-ce lié à la chaleur et au manque de vent ou au produit pulvérisé ?
J’ai de nouveau fouiné sur internet et le goût métallique dans la bouche correspond à « intoxication aux métaux lourds » dont certains comme le mercure se retrouve dans… les fongicides ! A voir bien entendu si les nouvelles normes interdisent le mercure dans ces produits et il faudrait savoir quel fongicide a été pulvérisé et à quel dosage. Un dialogue avec cet agriculteur s’impose mais il ne vit pas a proximité donc ce sera difficile.
Bref flou total et crainte.
Je trouverai également judicieux que notre municipalité parle dans son bulletin mensuel d’une sorte de calendrier des traitements possibles en campagne : par exemple à telle période fongicide 3e phase, mais aussi si vous entendez des détonations ce ne sont pas des pétards mais des effaroucheurs afin de faire fuir les oiseaux qui attaquent les semences (ce qui coûte extrêmement cher aux agriculteurs s’ils doivent réensemencer leur champs)… etc. Si possible avoir des recommandations pour les riverains en campagne avec une sorte de carte des zones pulvérisées à telle période. Bref, un peu plus de communication et d’intérêts de la part des élus pour nous riverains qui vivons en campagne et devons subir ces désagréments. Mais je pense que c’est trop demander, (mais bon, on peut toujours rêver) étant donné que nous pouvons difficilement nous attendre à être prévenu par l’agriculteur lorsqu’il va traiter ses champs. Ce qui est bien dommage, ça permettrait de prévoir et de fermer les fenêtres où de partir de la maison à ce moment là. Une bonne communication permettrait d’éviter certains conflits inutiles pour une meilleur compréhension et un meilleur respect des uns et des autres.
Sur ce, je file reprendre une douche…