Economie Solidaire : rencontre avec Jean-Michel Queguiner fondateur de Bretagne Ateliers

Posté le Samedi 18 mai 2013 par Sophie Déméautis

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Mercredi 15 mai dernier, avait lieu une rencontre politique sur l’économie sociale et solidaire, une économie éthique au service de l’humain.

L’intervenant était Jean-Michel Quéguiner, un ancien éducateur de rue, devenu fondateur et directeur général de Bretagne Ateliers pendant 31 ans. C’est un personnage atypique qui a mis au point un système de management basé essentiellement sur les valeurs humaines.

Il a commencé avec 3-4 employés handicapés et anciens détenus pour finir à environ 800 dont 450 employés « hors-normes ».

Nous avons eu droit à une intervention pleine d’humour et décalée de plus d’une heure, ponctuée d’anecdotes et de métaphores. C’était plutôt déroutant, je m’attendais à un discours politique rhétorique sur la façon de manager une entreprise et d’aider les autres. Je pensais qu’il m’aurait fallu un dictionnaire pour suivre l’allocution d’un intervenant sorti tout droit de Sciences Po. Rien de tout cela. Pas de costume ni cravate, juste un pull gris. En toute simplicité, sans artifice, il nous a parlé de lui, de sa vie et de son engagement aux autres… J’ai adoré !

Je le place dans la catégorie « Utopie réalisée » et à juste titre. Je ne pense pas que son expérience, très riche d’enseignements, puisse s’adapter à toutes les entreprises, mais à moins d’être transposer on peut en appliquer certaines valeurs liées à l’humain. D’ailleurs certains grands entrepreneurs viennent visiter cette entreprise atypique afin d’humaniser davantage ces grands groupes où bien souvent, l’argent est roi et le salarié oublié.

Plutôt que de faire un long discours je citerai quelques unes de ses phrases clefs qui semblent tellement évidentes mais parfois si difficiles à mettre en place :

- « La vie c’est une continuelle construction de soi ».
Je me souviens qu’il avait cité la généalogie (ce que j’ai apprécié…). Disant quelque chose comme : nous sommes l’aboutissement de tout un cheminement, la continuité du parcours de nos ancêtres.

- « Il faut donner à l’autre l’envie de vivre » car au final, à quoi sert la vie si nous n’avons pas de but ?
« Le but dans la vie c’est l’Homme pas l’Argent ». Le lien à l’autre. l’Homme ne peut pas vivre sans le lien à l’autre (famille, enfants, amis, collègues etc.) Ne pas être désagréable aux autres sous peine de perdre ce lien.

- « Entreprendre ensemble, notion de liens dans le travail » : un emploi cela nous sert à acheter de quoi manger, nous vêtir, etc. mais pour une personne handicapée, c’est surtout une source de liens. Une personne handicapée est isolée, a très peu d’amis. Un emploi est donc très important pour cette personne, c’est une source d’autonomie et de liens.

- « Lorsque l’on fait travailler les handicapés et les anciens détenus, il faut que le travail réalisé soit de meilleur qualité que celui réalisé ailleurs : « sur-qualité » pour que le client soit satisfait. Notion d’exigence très importante pour les employés eux-même. Leur travail est en jeu.

- Dans cette entreprise, il y a une culture besogneuse, travailleuse, mais il faut donner l’envie de travailler aux salariés. L’employeur doit donc donner une bonne image, être optimiste, positiver. Les valeurs de l’entreprise doivent être partagées par tous.

- La Stratégie : chaque client est classé parmi 4 catégories : A B C D. Le client de catégorie A est celui qui partage les valeurs de cette entreprise, qui participe à l’investissement. Un client C, celui qui partira dès qu’il aura trouvé moins cher ailleurs.
Anecdote : le but était de ne plus travailler avec les clients de catégorie C. Les dirigeants (Ndlr : Mr Queguiner ne faisait plus parti des dirigeants à l’époque) ont pris rendez-vous avec les clients C, leur ont signifié qu’ils étaient placés dans cette catégorie et que la société ne voulait plus de leur clientèle… Chose impensable en temps normal surtout que certains d’entre eux étaient de gros clients… Et bien des clients ont fait en sorte de passer en catégorie A !
La société Bretagne Ateliers était devenu indispensable

- Il n’y a pas de notes de service, elles sont remplacées par des dessins humoristiques afin que tout le monde comprenne.

- Il n’y pas de chef mais des « villages » : consensus, dialogues et votes. Les décisions sont prises en commun.
Dans cette notion de village il y a le lien social, ce qui fait la force de l’individu. Tout le monde a sa place : respect des salariés.
Un chef risque d’amener un contre-pouvoir.
Il y a un pilote, pas un patron. Celui-ci change tous les deux ans. Il doit être proche des salariés. Avoir un contact humain avec eux. Les tâches sont effectuées car elles sont nécessaires au bon déroulement de l’entreprise et donc aux salariés. Ceux qui ne veulent pas réaliser ces tâches s’excluent d’eux même du village.

Autre anecdote, durant une période difficile financièrement, il devait supprimer 60 postes. Ces postes concernaient ceux des salariés les plus fragiles, ceux qui risquaient d’en souffrir le plus car ils auraient perdu tout lien. Il a préféré diminuer les salaires de 10%. A l’époque c’était illégal mais il l’a fait trois fois pour sauver les emplois.
Il n’y a pas non plus de salaire exorbitant pour les dirigeants : équilibre des salaires.

- Sa méthode « cristal » : notion du bonheur en entreprise.
Une société où les salariés sont heureux doit être Conviviale, Rigoureuse, où chacun s’Implique, où il faut Simplifier (grâce aux handicapés), Tous ensemble, Améliorer (grâce aux salariés diplômés) et avoir de la Longévite.

Cette longévité s’acquiert car l’employé n’a pas envie de quitter son emploi, ses collègues et perdre du lien. S’il se sent bien, il restera. Ce n’est pas un diplôme qui donne l’envie et la motivation.


Plus que des mots, voici une vidéo de Jean-Michel Quéguiner, qui illustre bien ses propos :

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Jean Michel QUEGUINER par CabinetVDB